Bâtir un dossier d’appel d’offres (DAO) solide peut représenter une lourde tâche pour plusieurs organismes publics et parapublics, surtout pour ceux ne possédant pas une grande expérience d’achats sous cette procédure. Au Québec, ces organismes sont en quelque sorte laissés à eux-mêmes, rédigeant les devis et les dossiers aussi bien qu’ils le peuvent.
En prenant un certain recul, nous pouvons en déduire qu’un grand flou artistique est créé : autant de modèles de documents que d’autorités contractantes. Bien sûr, certaines solutions logicielles de rédaction de DAO se font de plus en plus connaître par les grands acheteurs. Ces programmes informatiques qui facilitent le montage du dossier peuvent devenir un outil puissant pour les organismes devant lancer quelques documents à l’année, mais elles sont plus difficilement accessibles pour les plus petits. Ceci étant dit, ces produits ont l’avantage de dessiner une trame de plus en plus omniprésente dans le monde des appels d’offres québécois.
Toutefois, le seul organisme apte à obliger l’utilisation de documents modèles est le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). L’organisme s’est d’ailleurs doté de cette possibilité avec l’article 27 de la loi sur les contrats des organismes publics C-65.1 : « Le Conseil du trésor peut édicter des formules types de contrats ou de documents standards applicables aux organismes publics ou à un groupe d'organismes publics en particulier ». Si la volonté y est, l’imposition de documents standards par le SCT n’est pas chose faite. De même, est-il souhaitable qu’une telle démarche soit envisagée ?
À l’international, les experts des marchés publics les plus conservateurs voient d’un mauvais œil les autorités contractantes de pays en voie de développement construire eux-mêmes leurs devis et DAO, déjà trop souvent réputées pour être extrêmement peu efficaces et surtout très corrompues. Du coup, les organismes acheteurs doivent nécessairement utiliser les documents standards mis à leur disposition par le bailleur de fonds finançant l’achat : les modèles de la Banque mondiale lorsqu’ils achètent sous ce financement, ceux de la Banque africaine de développement, bref, un modèle pour un bailleur. Les avantages consistent principalement à faciliter la tâche des agents d’approvisionnement, de s’assurer du respect des normes et standards de bonne gouvernance, de même que de créer une meilleure homogénéité pour le secteur privé désireux de répondre à ces marchés.
Homogénéiser les documents nécessaires aux approvisionnements publics (devis technique et dossiers d’appel d’offres principalement) est-il souhaitable au Québec ? Est-ce qu’une telle démarche contraindrait davantage les autorités contractantes ? Ses opposants pourraient facilement souligner le fait qu’il serait difficile d’en arriver à obtenir un modèle unique, pouvant répondre aux besoins et réalités des différentes autorités contractantes : modifier un document en tous points pour mieux l’adapter à la réalité d’un achat revient-il à faire ce que l’on fait déjà présentement ? Toutefois, à la lumière de l’expérience cumulée par les banques multilatérales internationales, je crois qu’il est temps que le SCT propose une ligne à suivre. Les avantages semblent peser davantage dans la balance, que ce soit pour faciliter la construction de ces documents ou même pour accélérer l’apprentissage du secteur privé aux rouages des contrats publics.
Nicolas Gendron, MGP, PMP
PGPC - Infolettre janvier 2014
© Projection GP Conseils, 2014